Définition du centre de données
L’article 69 de la loi n° 2018–1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 donne une définition juridique du centre de données, ou data center :
« Un centre de stockage de données numériques s’entend d’une infrastructure immobilière consacrée au stockage physique, au traitement, au transport et à la diffusion de données numériques, dont l’accès est sécurisé, et comprenant des dispositifs spécifiques et dédiés de contrôle de son environnement thermique, de la qualité de son air, d’alimentation en énergie et de prévention des incendies. »
Article 266 quinquies C, 8, C, e. du Code des douanes
Taxation favorable de la consommation électrique des data center au nom de la souveraineté numérique
Introduite le 11 octobre 2018 par l’amendement no I‑2336 au projet de loi de finance 2019, cette définition sert la mise en place d’un tarif réduit de 12€/MWh (contre 22,5€/MWh pour le tarif plein) pour la taxe sur les consommations en électricité des centres de données.
L’objectif exposé par les députés est celui de la souveraineté numérique, « l’indépendance nationale en matière d’hébergement de données et la sécurité juridique des données hébergées sont des enjeux cruciaux pour de nombreux secteurs industriels ».
Lors de sa visite d’un centre de données en février 2019, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a déclaré que « La capacité d’hébergement de données va devenir de plus en plus cruciale », « Si nous n’avons pas sur notre sol un nombre suffisant de centres de données pour héberger les données et les algorithmes qui sont nécessaires au développement des véhicules autonomes, les données de nos automobiles et donc la sécurité même de la circulation de ces véhicules seront stockées à l’étranger, et soumises au régime juridique local ».
La réalité de l’objectif de souveraineté numérique
Le concept et objectif de souveraineté numérique s’est développé en France depuis 2010 face aux enjeux de sécurité des données, majoritairement hébergées aux États-Unis en raison de la dominance des multinationales américaines dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ainsi la mission de développer et assurer la souveraineté numérique de l’État français s’est naturellement trouvée confiée à l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) créée un an plus tôt, en 2009.
Par la suite, le scandale de le surveillance massive du réseau par l’administration américaine révélé en 2013 par Edward Snowden a donné lieu à une réponse unitaire en 2015 par le biais de l’annulation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du Safe Harbor, un accord facilitant l’échange des données de l’Europe vers les hébergeurs américains assurant la sécurité de la confidentialité des données personnelles recueillies, puis en 2016 par l’adoption du Règlement général pour la protection des données (RGPD) en 2016 et particulièrement son chapitre V consacré aux garanties nécessitées par les transferts de données en dehors de l’espace économique européen.
Pour autant, à l’objectif louable de souveraineté numérique vient s’opposer le terrible bilan énergétique des centre de données.
L’impact environnemental des centres de données
Afin d’assurer leur fonctionnement et leur refroidissement dans le climat tempéré de la France métropolitaine, les centres de données consomment une grande quantité d’électricité qui devrait augmenter dans les années à venir en raison du développement du streaming, activité hautement énergivore,
Ainsi, se faisant l’écho d’une étude menée par Dalkia en 2013, l’étude de l’efficacité énergétique du parc des data center français publiée en 2016 par Enr’Cert révèle qu’« En moyenne, un Data center de 10 000 m2 consomme autant qu’une ville de 50 000 habitants ». L’étude révèle également que l’électricité représente la moitié du coût global d’un centre de données, la taxation réduite de cette énergie étant donc un formidable levier pour encourager leur implantation.
Cependant, bien que l’électricité française de 2018 soit décarbonnée à 86 % par sa provenance nucléaire, certains commentateurs se questionnent quant aux effets pervers de la fiscalité incitative : ne se pourrait-il pas que les hébergeurs rechignent à l’effort de sobriété énergétique que leur réclame une majorité de français ?
Les certificats d’économies d’énergie
Ce serait oublier le mécanisme d’incitation à améliorer l’impact énergétique des centres de données que constitue le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE), créé par les articles 14 à 17 de la loi no 2005–781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE). Récemment reconduit dans sa quatrième période soit jusqu’en décembre 2021, ce dispositif permet aux hébergeurs de faire certifier leurs travaux d’isolation ou d’écoconception, bénéficiant ainsi d’une prime lors de la revente de leurs économies d’énergie aux producteurs. Lors d’un atelier, l’Association technique énergie environnement (ATEE) a pu dresser un dossier précis adressant les possibilités offertes aux gestionnaires de centres de données pour financer la réduction de leur empreinte énergétique.
En 2019, les principaux hébergeurs français communiquent sur l’écoconception de certains de leurs centres notamment par la ventilation passive des ensembles, le free cooling, et la récupération de la chaleur produite par les serveurs pour chauffer les bureaux ou alimenter les centrales de chauffage urbain. Deux solutions figurant parmi les dix-sept recommandations du rapport sur l’Impact spatial et énergétique des data centers sur les territoires rendu en février 2019 par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
Preuve en est que la « tech verte », si elle constitue peut-être un mirage, reste une quête des acteurs français du numérique : gageons que la souveraineté sera écologique.